C'est à Henri Ier, duc de Normandie et roi d'Angleterre, qu'elle doit vraisemblablement son origine.
Ce prince, pour protéger sa frontière contre les excursions répétées du roi de France, jeta, en 1120, les fondements de cette place sur la rive gauche de l'Avre. Il fit creuser tout autour de larges fossés qui s'alimentèrent des eaux de l'Iton, par un canal de dérivation partant de Bourth.
Après onze années de travaux, la nouvelle place se trouvant en état de défense, se peupla rapidement et acquit une véritable importance.
A moitié détruit par le feu du ciel, en 1133, Verneuil était à peine remis de ce désastre lorsqu'il fut assiégé par Louis le Jeune qui ne put s'en emparer. En 1178, le même prince l'emporta d'assaut, mais il ne s'y maintint pas. Philippe-Auguste essaya aussi de s'en rendre maître ; il l'investit infructueusement, et cette place n'ouvrit ses portes aux Français, que par le dernier traité qui assurait à Philippe la conquête de la Normandie.
Les guerres de Cent ans éprouvèrent cruellement cette place forte: Les Anglais la prirent et la brûlèrent, en 1356, mais ils furent contraints de se retirer devant les troupes de Jean le Bon. Plus tard, en 1417, elle tomba encore au pouvoir des Anglais qui ne tardèrent pas à en être expulsés.
Sept ans après, en 1449, une célèbre bataille fut livrée sous les murs de Verneuil1.
Les Anglais, vainqueurs, entrèrent dans la place et s'y maintinrent jusqu'en 1449. A cette dernière date, un meunier patriote. ayant à se plaindre des Anglais, se concerta avec Robert de Floques, bailli d'Évreux, et y introduisit les Français.
Pendant les guerres de religion, les habitants, comme ceux d'Évreux, embrassèrent avec ardeur le parti de la Ligue. Après la bataille d'Ivry, les troupes royales s'en emparèrent, mais les ligueurs réussirent bientôt à occuper de nouveau la ville, qui ne se rendit définitivement à Henri IV qu'en 1594.
La Fronde eut quelque retentissement à Verneuil ; le baron des Essarts, en 1662, essaya de soulever la population en faveur des princes, mais il échoua dans son projet.
C'est dans celle ville que Frotté, célèbre chef des Vendéens, fut exécuté, en 1800, avec le comte de Verdun et le marquis de Saint-Florent.
Les fortifications de Verneuil, curieux spécimen des monuments militaires du moyen âge, formaient trois enceintes. Les murailles extérieures, flanquées de tours, auxquelles l'usage des canons fit ajouter, plus tard, des bastions, complétaient l'état de défense de cette place.
Parmi les tours dont nous venons de parler, l'une d'elles, connue dans l'histoire sous le nom légendaire de Tour grise, est restée debout et à peu près intacte. Cette tour, que Louis XIV voulut faire démolir, après l'affaire du baron des Essarts, était le donjon du château ; elle a près de 30 mètres d'élévation, et sa grosseur est considérable.
Verneuil a appartenu, de tous temps, au domaine du souverain ; il en fut démembré, en 1335, par Philippe de Valois. Il fut compris dans l'apanage que ce prince constitua à son frère, sous le titre de comté d'Alençon, et retourna au domaine, en 1458.
Verneuil a été siége d'une élection, comprenant l'Aigle et Brezolles. Sa juridiction, du ressort du parlement de Rouen, embrassait un grand nombre de communes sur la rive gauche et sur la rive droite de l'Avre.
Cette ville, qui comprenait autrefois sept paroisses, n'en renferme plus que deux : celles de la Madeleine et de Notre-Dame.
Parmi les monuments qu'elle contient, on remarque, 1° l'église de la Madeleine, datant du XIIe siècle. La nef appartient au style ogival de la première époque ; le chœur est moins ancien. Mais le plus beau de l'édifice, c'est la haute tour qui s'élève à gauche sur la façade occidentale. Rien ne saurait rendre la grâce et la légèreté de ce joli chef-d'œuvre, qui est couronné à son sommet par une élégante couronne de pierre finement ciselée.
2° L'église Notre-Dame, dont le chœur et le transept remontent au XIIe siècle et les bas côtés au XVe.
3° La tour sculptée de l'ancienne église Saint-Jean, transformée en halle pour les marchandises.
4° La vieille église Saint-Laurent, utilisée par l'industrie.
5° L'abbaye de Saint-Nicolas et une jolie maison à tourelle, de la renaissance.
6° La tour grise.
Verneuil a conservé son enceinte primitive et ne s'est point étendue au-delà si ce n'est du côté de Tillières. Les anciens remparts, bordés à l'intérieur par les anciens fossés qu'alimentent toujours les eaux de l'Iton, circonscrivent la ville et forment de délicieuses promenades, ombragées par de belles avenues d'ormes et de tilleuls.
Les embellissements, dont la ville a été l'objet depuis quelques années, sont dus en entier à l'initiative hardie et intelligente du maire actuel, M. le comte de Barrey, et ont eu pour point de départ, l'établissement d'un débarcadère de chemin de fer, en dehors de la ligne de fortification. Afin de donner un accès commode et agréable à cette gare, de Barrey a eu l'heureuse pensée d'ouvrir une large voie, coupant la ville en deux parties égales, du sud au nord, et se dirigeant par un côté de la place vers le rempart qu'elle traverse sous une élégante passerelle ; de là, elle incline un peu à gauche et se déroule en avenue du côté de la gare.
Quelques autres rues de Verneuil sont bien pavées et très-propres, mais ce que l'on peut reprocher à cette ville, trop grande pour le nombre des habitants qu'elle renferme aujourd'hui, c'est le manque d'animation. Le silence qui règne dans tous les quartiers a quelque chose de triste et de mélancolique. On dirait qu'elle porte le deuil de son ancienne splendeur.
Avant de terminer l'article Verneuil, disons un mot du village de Saint-Martin du Vieux-Verneuil, situé sur la rive droite de l'Avre. Ce village, plus ancien que la ville, et dont la position commande la vallée, porte encore quelques vestiges des fortifications qui servirent fréquemment aux attaques dirigées contre la ville pendant le moyen âge.