« Les Normands avalent déjà envahi et dévasté la vallée de la Seine, lorsque Charles le Chauve convoqua les grands de l'Empire à son palais de Pitres, où, après avoir obtenu les subsides nécessaires, il fit venir et assembler un nombre immense de matériaux, de chars et d'ouvriers, pour y construire une fortification et un barrage assez forts pour entraver la navigation des barques normandes et pour défendre contre leurs invasions, les riches cultures et les palais impériaux de Pîtres et du Vaudreuil. L'endroit choisi était celui où la marée cesse de faire sentir son mouvement. Le pont fut établi sur un enrochement assez élevé pour qu'il en résultât une chute d'un mètre environ, obstacle presque insurmontable pour des barques légères ( Bonnin. )
« Des châteaux étaient placés aux extrémités, pour défendre la navigation des deux bras ; une longue et étroite chaussée, percée de près de trente petits ponts, fermait, au nord, le reste de la vallée. Le pont, construit par l'arcbevêque Hinemar et ses ingénieurs, était crénelé, comme jadis celui de Rouen ; des deux châteaux forts, le premier forme encore l'enceinte de la ville de Pont-de-l'Arche ; l'autre, connu sous le nom de château de Lymaie, a été détruit lors de la construction de l'écluse ( 1812 ).
Mais le pont ne put arrêter les Normands, qui, portant à bras leurs barques légères, passèrent à côté du fort. »
La place forte de Pont-de-l'Arche n'en conserva pas moins une grande importance, et sa situation tint en respect plus d'une fois la ville de Rouen.
En 1190, eut lieu l'élection de l'abbaye de Bonport, de l'ordre de Saint-Benoît, par Richard Cœur de Lion1.
Ce prince céda plus tard Pont-de-l'Arche à l'abbaye de Jumiéges, à titre d'échange, mais il conserva la forteresse. Son successeur, Jean sans Terre, n'ayant pu la défendre contre Philippe-Auguste, voulut la faire démanteler ; mais il n'eut pas le temps de mettre son projet a exécution.
Pendant les guerres de Cent ans. Édouard III, roi d'Angleterre, assiégea, en 1346, Pont-de-l'Arche et le dévasta. Les habitants réparèrent ce désastre, et du Guesclin, marchant de Rouen vers Cocherel, s'y arrêta, en 1364, avec ses troupes, et y trouva les vivres qui lui manquaient. Dans le siècle suivant, Henri V, roi d'Angleterre, s'empara de cette place après un siège de quinze jours, et s'y maintint, de 1418 à 1448. A cette dernière date, la fortune anglaise, qui avait commencé à pâlir, reçut un rude échec.
Robert de Floques, usant d'un stratagème qui lui fut inspiré par un bourgeois de Louviers, surprit Pont-de-l'Arche et s'en empara.
La peste, qui causa des ravages à Rouen, en 1546, décida les États de Normandie à venir siéger à Pont-de-l'Arche.
Pendant les guerres religieuses, le gouvernement de Normandie se saisit de cette ville, qui entra, plus tard, dans le parti de la Ligue, et fut l'une des premières à ouvrir ses portes à Henri IV, en 1589. Néanmoins, ce roi donna, en 1596, des ordres pour la démolition du fort, mais les habitants surent les éluder.
En 1649, le comte d'Harcourt occupa Pont-de-l'Arche au nom de la cour.
A la date de 1708, voici ce que nous trouvons dans le Dictionnaire géographique de Th. Corneille, à l'article Pont-de-l'Arche :
« Vicomté, bailliage, élection, grenier à sel, maîtrise des eaux et forêts, et un bon château de l'autre côté de son pont de pierre ; c'est le plus beau, le plus long, et le mieux bâti qui soit sur la Seine. Cette ville, bâtie par Charles le Chauve, a de bons fossés et des murailles flanquées de tours.
« Il y a gouverneur, lieutenant de police, un maire, deux
échevins, et une maison de ville. C'est une place très-importante par sa situation. Son cbàteau, construit dans une petite île, est de figure carrée, bien entretenu et bien logeable, flanqué de quatre tours ; au dedans, il y en a une fort haute, qui sert de donjon. Ce château est séparé de la prairie par deux petits ponts. »
Le vieux pont de Pont-de-l'Arche, édifié par Charles le Chauve, s'est écroulé, le 12 juin 16562. Il a été remplacé par un magnifique pont en pierre de dix arches, jeté sur les trois bras du fleuve, et inauguré le 17 janvier 1858.
L'église actuelle de Pont-de-l'Arche, construite au XVe siècle, près des remparts et sur un mamelon élevé, est restée inachevée ; mais elle ne compte pas moins parmi les beaux monuments du département. Les fonts baptismaux, dont la cuve, faite d'une seule pierre, est attribuée à Jean Goujon, plusieurs vitraux et les pendentifs des voûtes, sont fort estimés.
L'orgue et le maître-autel sont des dons d'Henri IV.
Il y a eu, en outre, dans cette ville, des couvents de pénitents et de bénédictins, ainsi qu'une manufacture de draps très-fins, façon d'Angleterre.
Pont-de-l'Arche a transformé ses anciens remparts en promenades. Les rues sont, en général, très-étroites et montantes. Quelques maisons sont fort vieilles , et l'une d'elles, connue sous le nom de l'auberge de la Tête noire, est précédée d'un porche qui paraît appartenir au XIIIe siècle.