De Gaungu est venu Daungiones puis Dangiones nom donné aux forteresses construites par Rollon Gaungu que ses compagnons appelaient familièrement le Gaungu ou le Gangu.
A l'appui de cette opinion, nous citerons la phrase suivante, textuellement extraite d'un vieux manuscrit latin : « Cum Normanni duce Hrolfo Neustriam occupaverint, qui cognomine Gangu, id est viator ( quia plurimas regiones cum copiis invaserat ) Neustria potil!M, castellum in sylvâ hujus pagi constituit, quod, a cognomine ejus Gangu, Dangu vocatum est ».
Ordéric Vital et Eudes Rigaud écrivent Dangu comme nous l'écrivons aujourd'hui ; Hugues, archevêque de Rouen, écrit Dangud ; on trouve également Dangut et Dangutum.
La tradition locale raconte qu'avant l'invasion normande, il existait dans le climat des Filasses un village appelé Saint-Denis, qui fut détruit par une armée de Picards ; puis, qu'il fut rebâti près du fort du Gangu dont il prit le nom, qu'enfin, il redescendit peu à peu à Saint-Aubin, pour arriver à son emplacement actuel.
Le château dont nous venons de parler était situé, comme le château actuel, sur la rive droite de l'Epte1, mais plus près de Gisors, au milieu des bois, sur le point culminant du territoire de Dangu, au sommet de la montagne qui domine le haras, à côté du chemin d'intérêt commun n° 3, de Gisors à Vesly ; il consistait en un donjon principal et deux grosses tours, avec une double enceinte de murailles ; trois mamelons montrent encore où existaient ces tours, les fossés qui l'entouraient, sont encore très-apparents et en dessinent l'emplacement. Le triage ou climat où se trouvent ces ruines, porte le nom de Vieux-Château.
A la suite des troubles dont la Normandie fut le théâtre après la mort de Guillaume le Conquérant, Guillaume, comte d'Evreux, profitant de la confusion qui existait dans le pays, vint mettre le siége devant Dangu, dont il s'empara vers 1088.
Guillaume le Roux, fils cadet de Guillaume le Conquérant, profitant de l'absence de son frère aîné Robert, se fit proclamer roi d'Angleterre et s'empara de la Normandie. Il avait à son service un seigneur fort habile nommé Robert de Belesme, qui fut chargé de fortifier Gisors, Neaufles et les châteaux des environs. C'est lui qui restaura Dangu, assez maltraité par Guillaume d'Evreux, et l'entoura de nouvelles défenses.
Henri Ier, troisième fils du conquérant de l'Angleterre, s'empara de la couronne à la mort de son frère Guillaume, et enleva la Normandie à son frère Robert, l'aîné de la famille, auquel, dit-on, il fit crever les yeux.
Louis le Gros, sous prétexte de rendre à Guillaume Cliton, fils de Robert, l'héritage de son père, envahit la Normandie et vint en personne, en l'année 1119, assiéger le château de Dangu ; le gouverneur ne voulant pas le voir· tomber entre les mains des Français, y mit le feu et se retira à Gisors, sous la protection des Anglais.
Peu de jours après la bataille de Brenneville, le pape Calixte Il, ayant reconcilié Louis VI et Henri Ier, ce dernier retourna en Angleterre, laissant son duché de Normandie à son fils Guillaume, qui en fit hommage au roi de France.
En 1077, Guillaume Crespin, baron de Dangu, veuf d'Eve l'Aiguillon, épousa Agnès de Trie, veuve de Guillaume Martel de Bacqueville ; c'est la première fois qu'il est question dans l'histoire des seigneurs de Dangu. ( Nobiliaire du Beauvaisis. )
Une fille de Guillaume Crespin, dame de Dangu, épousa Robert du Plessis, qui fit don, en 1138, à l'abbaye de Mortemer, de soixante acres de terre au climat de La Pommeraye, pour y établir une ferme.
Isabeau du Plessis, fille de Robert, épousa Goscelin Crespin, seigneur d'Etrépagny, son cousin, qui donna à la même abbaye soixante autres acres de terre pour le repos de l'âme de sa mère.
Cette dame ayant été enterrée dans le chapitre du couvent des moines de Mortemer, dont elle avait été la bienfaitrice, son mari et ses enfants firent don, en 1180, à la même abbaye, de six livres de rente annuelle sur le moulin de Valetot2, pour son anniversaire et celui de Robert du Plessis de Dangu, son père. La dame d'Harcourt, sa fille, donna cent livres de rente pour le pain, le vin et la cire des messes, et cent marcs pour le salut de son âme et son anniversaire ; les moines, reconnaissants, la firent inhumer dans le cloître du monastère, à l'entrée de l'église.
Voici le texte de la charte qui contient les libéralités dont nous venons de parler :
« Domina Isabella de Dangu multa bona ecclesiœ consutit et in ea sepulturam elegit, quam in capitulo monachorum recepit, et vir ejus Joscelinus Crispinus et filii eorum ; sex tibras annui redditus in molendino de Valetot, pro anniversario suo et patris ejus Roberti de Dangu, assignaverunt.
Domina etiam de Harecort, filia ejus, pro emendo redditu panis, vini et cerœ ad omnes missas, centum libras dedit et sepulturam sibi in eodem elegit, quam in claustro juxta introitum ecclesiœ accepit et pro salute animœ suœ et pro anniversario suo faciendo, centum marcos donavit. »
En 1160, Henri II, roi d'Angleterre, fit relever de ses ruines le château de Dangu, qui fut pris par Philippe-Auguste en 1196, et repris l'année suivante par Richard Cœur-de-Lion, auquel Guillaume Crespin III le livra.
Philippe profita d'un voyage de Richard en Auvergne, pour s'emparer de nouveau de Dangu, dont il ne laissa sortir la garnison que moyennant une forte rançon, qui lui servit à ajouter de nouvelles fortifications aux anciennes.
Richard, informé de ce qui se passait, revint en toute hâte et reprit bientôt l'avantage, battit Philippe dans la plaine de Villers en Vexin et lui enleva successivement Courcelles et Boury.
Le roi de France, après s'être reposé quelque temps à Mantes et après avoir réuni de nouvelles troupes, s'empressa de marcher au secours des places du Vexin français ; mais, arrivé près de Courcelles, il tomba dans une embuscade que lui avait tendue Richard, et ce ne fut qu'en se frayant un passage à travers l'ennemi qu'il parvint à gagner Gisors ; au moment où il allait entrer, le pont se rompit et il tomba dans la rivière, où il faillit se noyer.
A la suite de cet événement, la garnison de Dangu, croyant à la mort du roi, ouvrit les portes à Richard ; mais Philippe-Auguste, qui s'était ménagé des intelligences dans le château, le reprit peu après, et il ne le rendit à Guillaume Crespin III qu'à la paix signée en 1200, après la mort de Richard, arrivée l'année précédente.
Philippe-Auguste ayant, après la bataille de Bouvines, réuni définitivement la Normandie à ses Etats, sa bannière remplaça, sur le donjon de Dangu, celle du roi d'Angleterre. Guillaume Crespin III se reconnut vassal et feudataire du roi de France, et lui prêta serment et hommage.
Ce seigneur qui s'intitulait baron du Bec-Crespin, seigneur de Dangu et d'Etrépagny, fit au mois d'avril 1216, en faveur du prieur de Vesly, une donation ainsi conçue : « seiant... quod ego Guillelmus Crispinus de monachis majoris monasterii apud Verliacum quicquid juris habere me dicebam in muris granchie abattis, in frocis vero ejusdem ville et in mensuris vini, in viis et semitis, per me et eos commuter debet emendari. Presentem cartam sigilli mei munimine confirmavi. »
Cette charte est scellée d'un sceau de cire blanche, où le donateur est representé armé et à cheval, avec la légende « Sigillum Guillelmi Crispini. »
En 1230, Guillaume Crespin IV succéda à son père dans les seigneuries de Gisors, Etrépagny, Dangu, etc. ; il épousa Alix de Sancerre, dame de Mauny, fille aînée d'Estienne, seigneur de Chatillon-sur-Loing, de laquelle il eut plusieurs enfants, entre autres un fils aussi nommé Guillaume, qui recueillit dans sa succession, ouverte en 1280, la seigneurie de Dangu.
Guillaume Crespin IV avait octroyé, en 1256, aux Templiers de Bourgout la charte suivante qui nous a paru assez curieuse pour être reproduite en entier :
« Je Guillaume dit Crespin, seignor de Dangu, faz savoir à touz 11 ceus qui cez leitres verront, que, comme matire de convention fust née entre moi, d'une part, et religieus homes, freres de la chevalerie deu Temple, d'autre, de ce que les diz freres disoient que il lor lisoit ès bois qui furent mon seignor Robert Crespin, oncle de mon père, envoier lor bestes meitenant après la quinté fueille, et que il devoient avoir pasturage et herbage en ces bois et en toute la terre du devant dit Robert, à l'usage de lor bestes et pasnage à l'usage de lor por, quite et délivre soulonc la teneur de l'otroiance et de la chartre monseignor Robert Crespin, oncle, mon tres chier pere, monseignor Guillaume Crespin, chevalier, et le confermement d'iceli, à la parfin, cest coutens est apeisié entre moi et les diz freres par le conseil de boues genz en ceste maniere : c'est à savoir que les bestes des diz freres demoranz en la meson du Temple à Bourgout, et tant comme il avendra que les diz frères en auront illeuques, auront des ore en avant pasturage et herbage en toz les devant diz bois, tantost apres la setiesme fueille, c'est à savoir apres la setiesme an, et en toutes les terres l'herbage et le pasturage, exceptés les bois et les terres de Lysorz et de Gisencort, et est à savoir que les diz freres ne porrvnt de ore en avant rien reclamer es bois et en la terre de Lysorz et de Gisencort, qui furent monseignor Robert Crespin devant dit, en tele maniere que se il avenoit vente estre fete es diz .bois, exceptez ' les bois de Lysorz et de Gisencourt, le terme establi à la délivrance de trois ans, et une partie du bois vendu soit délivrée, dedenz l'espace de la moitié des trois ans, le terme du setieme an commencera des lors en cele partie que essera délivrée ; et en l'autre partie de la vente, quand le terme des trois anz sera acompli, commencera le terme du setiesme an devant dit...
Por ceste presente ordonnance et por le salu de m'ame et de mes ancesours, je quit aus, diz, freres et relas à tous jorz le paage d'eus et de lor choses propres à leur propre usage de mon travers de seint Cler ; et weil et octroi que eus et lor biens à lor propre usage aient franc trepas des ore en avant eu dit travers sans exaction de paage ou d'autre coustume quele que ele soit ; et weil ensorque tout et otroi que les devanz diz freres aient des ore en avant franchement et quitement pasnage es diz bois qni furent le devant dit Robert, exceptez solement les bois de Lysorz et de Gisencort, à l'usage de lor pors de la meson du Temple de Bourgont...
En tesmoig de la queul chose, je, le dit Guillaume Crespin, ai mis au present escript le garnissement de mon scel. Et ce fut en l'an de grace MCC et LVI, en jor de samedi après l'Invention Seinte-Croiz, en meis de mai.
( Ecu losangè )
Sigillum Guillermi Crespi.... Angu.
Guillaume Crespin, cinquième du nom, qui avait épousé Jr1nne de Mortemer, accompagna saint Louis dans sa croisade d'Afrique, mais, plus heureux que son roi, il revit la France ; après son retour, il fut nommé connétable héréditaire de Normandie, maréchal de France, et c'est en cette qualité qu'il signa l'arrêt rendu, en 1283, en faveur de Philippe le Hardi, contre Charles de Sicile, à l'occasion des comtés de Poitou et d'Auvergne ; il mourut en 1333 ; il fut inhumé dans l'abbaye de Mortemer, laissant plusieurs enfants ; son fils Jean eut la terre de Dangu.
C'était une franche vavassorie équipollant à baronnie et une des quatre qui représentaient le Vexin à l'échiquier de Normandie.
Jean Crespin de Dangu épousa Jeanne Tesson, dame de Thury, dont il eut, entre autres enfants, Jean Crespin, second du nom, seigneur de Dangu, qui, de son mariage avec Jeanne d'Avaugour, eut une fille, Blanche Crespin, mariée en premières noces à Louis, seigneur de Ferrières, et en secondes, à Pierre de Preaux.
Pierre de Preaux fut un des nombreux barons qui périrent à la désastreuse journée de Crécy ; il eut la gloire de tomber aux côtés du roi et de mourir en le défendant.
Charles le Mauvais, comte d'Evreux, qui s'était allié aux Anglais, ravagea le Vexin à plusieurs reprises, et Dangu eut particulièrement, beaucoup à souffrir de ses exactions ; ce ne fut que vers l'année 1378, que Du Guesclin parvint à expulser les Anglais du Vexin et à rendre un peu de tranquillité aux habitants de Dangu et des communes voisines.
Jacques de Bourbon, grand bouteiller de France, épousa, en 1400, Marguerite de Preaux, fille de Pierre, héritière de la terre de Dangu, et veuve en premières noces de Jean de la Rivière; c'est lui qui abandonna l'ancien château, pour en construire un nouveau sur l'emplacement de celui que nous admirons aujourd'hui. Ce château, appelé Tour de Bourbon, tomba entre les mains des Anglais en 1419, après la prise de Gisors.
Du mariage de Jacques de Bourbon et de Marguerite de Preaux, naquirent cinq fils et une fille, qui moururent tous sans postérité, laissant la terre de Dangu à Jeanne de Preaux, leur tante, épouse de Gauvin de Ferrières.
Il y eut, sous la nouvelle domination anglaise, un sire Jean de Wooderville, qui s'arrogea le titre de seigneur de Dangu et de Préau, et qui fut même, en cette qualité, appelé à l'échiquier de Normandie ; il mourut sans enfants en 1435.
Charles VII, voulant chasser les Anglais de son royaume, leur fit une guerre sans relâche ; il s'empara dn château fort de Dangu en 1448, et vint mettre le siége devant Gisors, qui lui ouvrit ses portes.
La famille de Ferrières rentra en possession de la baronnie de Dangu aussitôt que les Anglais en eurent été chassés ; le roi Charles VII la rendit à Jean de Ferrières, fils de Gauvin.
Guillaume de Ferrières succéda à son père, en 1454 ; il épousa Jacqueline du Fayel, dont il eut entre autres enfants Pierre de Ferrières, deuxième du nom ; ce fut ce dernier qui, au commencement du seizième siècle, fit construire le château actud. Il mourut sans enfants, en 1534, et fut inhumé dans l'église Saint-Jean de Dangu. Sa sœur, Françoise de Ferrières, dame et héritière de Dangu, épousa, vers 1500, Ferry, seigneur d'Aumout et de Méru ; de ce mariage naquit Louise d'Aumont, qui céda Dangu, par échange, au connétable Anne de Montmorency, aux termes de deux contrats des 14 octobre et 27 novembre 1554, à la charge de droits envers la duchesse de Férare, comtesse de Gisors.
On lit dans un aveu rendu au duc de Férare, comte de Gisors, au commencement du dix-septième siècle, que tous les ans, le jour de l'Ascension, les jeunes filles de Dangu se rendaient dans la plaine, sur le chemin de Chauvincourt, à la limite du territoire de Dangu et Noyers, et offraient à la châtelaine, qui s'y rendait également, un chapeau tressé de jonc et couvert de roses, en mémoire de l'abolition du droit de jambage3.
A la mort du connétable de Montmorency, la terre de Dangu passa à Guillaume, seigneur de Thoré, son cinquième fils, qui fit abattre le donjon, niveler les fossés, démolir les murs d'enceinte, et percer de larges fenêtres. Le château ne se composa plus que d'un grand corps de logis, ayant la forme d'un immense fer à cheval, terminé par une tour à chaque bout, et ayant au centre une tour carrée qui servait d'entrée.
En 1590, le duc de Mayenne, qui tenait Gisors, envoya des troupes, sous le commandement du baron de Contenant, pour s'emparer de Dangu. Deux pièces d'artillerie furent mises en batterie, et eurent bientôt fait une brèche au château, qui fut pris d'assaut ; les ligueurs ne se retirèrent qu'après avoir pillé le village et y avoir mis le feu.
Guillaume Thoré-Montmorency épousa en secondes noces Anne de Lalain, issue d'une ancienne famille de Flandres, dont il eut Madeleine de Montmorency, qui, en 1597, épousa Henri de Luxembourg, duc d'Épinay, comte de Ligny, etc., auquel elle apporta en dot la terre de Dangu. De ce mariage naquirent deux filles, Marguerite et Marie, qui, en 1641, échangèrent la seigneurie de Dangu contre la principauté de Mortagne en Saintonge, appartenant à François Sublet, seigneur de Noyers, surintendant des bâtiments royaux, et secrétaire d'Etat. C'est lui qui fit achever le Louvre, où il installa l'imprimerie royale. Il aimait beaucoup Dangu, qu'il se plut à embellir. Il fit jeter un pont en pierres sur l'Epte, fit paver la rue qui sépare les deux anciennes paroisses de Saint-Aubin et de Saint-Jean. Après la mort de Richelieu, qui avait été son protecteur, François Sublet tomba en disgrâce, et se retira à Dangu, où il mourut après avoir fondé le couvent des Carmélites de Gisors, le 28 octobre 1645. Son corps fut transporté et inhumé à Paris, dans l'église des Jésuites. Ses armes étaient : d'azur au pal contre bretessé d'or chargé d'une vergette de sable.
Un arrêt du parlement de Rouen, du 16 juin 1663, annula l'échange fait entre mesdames de Montmorency-Luxembourg et François Sublet, et ordonna la restitution de la terre de Dangu à François Henri de Montmorency-Luxembourg, qui avait intenté contre Guillaume Sublet, fils de François, l'action de clameur lignagère.
On assure que la veuve de Henri II de Montmorency, qui fut décapité à Toulouse, sous le ministère du cardinal de Richelieu, se retira à Dangu, où elle vécut dans la retraite, et porta le deuil toute sa vie. On ajoute que Louis XIII, lui ayant écrit pour lui annoncer qu'il irait lui rendre visite, en compagnie de son ministre, elle lui fit la réponse suivante :
« Le roi sera reçu à Dangu avec tous les honneurs dus à la majesté d'un roi de France ; mais quant au cardinal, je ferai placer sous le pont-levis douze barils de poudre, auxquels je ferai mettre le feu quand il passera, afin de l'enyoyer au ciel, où il devrait être depuis longtemps. »
Le roi vint seul à Dangu.
A la mort de François-Henri de Montmorency-Luxembourg, arrivée à Versailles, en 1695, la seigneurie de Dangu passa à son fils Charles-François- Frédéric , qui la vendit , le 7 juin 1714, à Louis-Guillaume Jubert, marquis de Bouville, intendant d'Orléans, puis conseiller d'État, qui lui-même la laissa à son petit-fils, le marquis de Bouville . Celui-ci, qui habita toujours le château, fit dresser, en 1774, le terrier de la baronnie de Dangu, dont dépendaient la paroisse de Gisancourt et la majeure partie de celles de Vesly, Bernouville, etc. La commune de Dangu était morcelée en 822 parcelles, fieffées à divers particuliers.
Les droits y attachés étaient : 1° droit de moyenne et basse justice ; 2° de rivière, de Vaux à Guerny4 ; 3° de moulin banal ; 4° de four banal ; 5° de petits fours ; 6° de pressoir banal ; 7° de verte mouette ; 8° de traversé ; 9° de marché et de mesurage ; 10° de champart d'agneaux et d'oisons.
La famille de Bouville conserva peu de temps cette seigneurie, car elle fut vendue, le 31 août 1781, avec les terres de Gisancourt, Montbine, Beausseré et autres lieux, à M. Louis-Auguste Letonnelier, baron de Breteuil, alors ambassadeur de France à Vienne ; c'est lui qui mit de niveau les divers bâtiments qui formaient le fer à cheval. Il restaura et embellit à grands frais le château, les jardins et le parc, qu'il fit entourer de murs ; il fit construire l'acqueduc qui amène l'eau de Vesly au château, ainsi que le chemin qui, de Daugu, va s'embranbrancher au Mont de Magny, sur la route de Gisors à Paris, appelée aujourd'hui route du Baron, en mémoire de son fondateur. Il avait formé le projet de faire rentrer la terre de Dangu dans la famille des Montmorency, en la donnant à sa fille, qu'il voulait marier à l'un des descendants, mais la Révolution vint anéantir toutes ses espérances.
M. de Breteuil, auquel le roi avait accordé le droit de battre monnaie, avait installé un atelier de monnayage dans les caves et dépendances de son château ; et, il y a quelques années, on en voyait encore les traces.
Lorsque la révolution éclata, M. de Breteuil fut forcé d'émigrer, et il ne dut son salut qu'à un habitant de Bausséré, nommé Pierre Prarière, qui vint, au milieu de la nuit, le prévenir qu'il allait être arrêté ; il se hâta de fuir, et, à peine avait-il quitté son château, qu'une troupe de forcenés y pénétrait et le mettait au pillage. Ses armes étaient d'azur à l'épervier essorant d'or.
La terre de Dangu fut confisquée en 1792, et déclaré propriété nationale ; pendant plusieurs années, le château servit de prison à des soldats anglais, qui achevèrent de le dévaster ; ils arrachèrent les lambris pour les brûler, et descellèrent les plombs et ferrailles pour les vendre.
En 1802, M. le marquis de Talhouët reçut la propriété de Dangu en compensation de sc:.; biens, que l'Etat avait fait vendre, parce qu'à tort il avait été considéré comme émigré.
Lorsque M. de Breteuil rentra en France, M. de Talhouët, mu par un sentiment de délicatesse fort honorable, lui remit, de son propre mouvement, une somme assez importante pour l'indemniser de la perte de sa propriété.
A la mort de M. de Talhouët, la terre de Dangu fut attribuée en partage à sa fille, Mme la comtesse Joseph de Lagrange, par acte de 1810.
En 1849, les enfants de cette dame ayant procédé au partage des biens de sa succession, le château et les propriétés de Dangu échurent à M. Joseph-Barthélemy-Frédéric, comte de Lagrange, officier de la Légion d'honneur, membre du conseil général de l'Eure pour le canton de Gisors, député du Gers, l'éleveur intelligent et habile qui est à la tête du sport français.
Dangu était autrefois une paroisse du diocèse de Rouen, de l'archidiaconé du Vexin normand, du doyenné de Gamaches, des baillage, vicomté et élection de Gisors.
Vers le milieu du treizième siècle, il n'y avait à Dangu qu'une seule cure et une seule église ; Jean Crespin, au commencement du quatorzième siècle, en fit construire une autre, qui fut dédiée par l'évêque de Bethléem, et placée sous l'invocation de saint Jean ; on y voyait autrefois le tombeau de Pierre de Ferrières, qui fut détruit au moment de la Révolution, ainsi que l'église de Saint-Aubin, qui remontait au dixième siècle ; le seigneur du lieu présentait aux deux cures.
La chapelle de Notre-Dame de la Motte, ou de Recouvrance, placée dans le parc du château, était aussi à la présentation du seigneur; on prétend qu'elle fut bâtie par Guillaume de Ferrières, pour accomplir un vœu qu'il avait fait à la sainte Vierge, dans un grand danger. Voici ce que la tradition et Bérée de Courpont racontent : Un jour que le seigneur de Ferrières se promenait, chevauchant devant son château, il rencontra une très-jolie fille qui gardait des dindons, à laquelle il fit des propositions déshonnêtes, qu'elle repoussa brutalement ; le comte, outré, voulut avancer sur elle ; mais elle frappa le cheval avec la gaule qui lui servait à chasser les dindons, et le força à s'éloigner. Le seigneur, rentré au château, fit lâcher sa meute sur cette jeune fille, qui fut déchirée vivante et dévorée. L'année suivante, jour pour jour. Guillaume de Ferrières passait à cheval à l'endroit même où la scène dont nous venons de parler avait eu lieu ; tout-à-coup son cheval s'emporte, le jette à terre et le traîne, le pied pris dans l'étrier, jusqu'à environ deux cent cinquante pas de là ; dans ce danger extrême, le comte fit vœu de bâtir une chapelle à la sainte Vierge, à l'endroit où son cheval s'arrêterait. Le cheval s'arrêta ou fut arrêté, à l'endroit où est aujourd'hui la chapelle de la Motte ; Guillaume de Ferrières y fut inhumé, et elle sert aujourd'hui de sépulture à la famille de Lagrange.
Un chapelain, qui y est spécialement attaché, y célèbre la messe tous les jours.
L'église de Dangu a été construite à différentes époques ; certaines parties en sont fort remarquables, entre autres le portail et le porche. Elle a eu, comme curés, l'abbé Noël, qui fut député à l'assemblée qui se réunit à Rouen, le 1er juillet 1583, pour le récolement des usages de Normandie et la rédaction de la Coutume ; et Jacques Deschamps, docteur en Sorbonne, autour d'une traduction d'Isaïe, mort le 3 octobre 1759.
La tradition a conservé le souvenir, jusqu'à nos jours, d'un certain abbé Ango5, qui avait l'habitude de faire, tous les jours, une promenade à cheval, et qui eut la tête brisée sous la voûte d'un viaduc, allant du presbytère à l'église, son cheval s'étant élancé sous la voûte avant qu'ils eût eu le temps de se baisser.
Guillaume Crespin IV avait fait construire une maladrerie pour les lépreux, dans le climat qui porte le nom de Val-aux-Moines et qui a été détruite par les troupes du baron de Contenant, en 1590.
La seigneurie de Dangu était « une franche vavassorie, laquelle est équipollée à baronnie et réputée la première des quatre baonnies et vavassories de Normandie, avec droit de préséance à l'échiquier. »
Les deux reines de France, Blanche de Castille et Blanche d'Evreux, avaient les bois de Dangu dans leurs domaines, lorsqu'elles possédaient Gisors et Neaufles.
Dangu est aujourd'hui un riche et joli village bâti aux pieds du château, traversé par la route impériale n° 181, d'Evreux à Breteuil, et la route départementale n° 26, de Gisors à la Roche- Guyon ; il est également desservi par les chemins de grande communication n° 20 et 76, et ceux d'intérêt commun nos 3 et 59, indépendamment d'un chemin vicinal.
Ses dépendances sont : l'ancienne tuilerie, la porte des champs et le haras.
Le territoire s'incline vers l'est et a la forme d'un manteau de dame, dont Dangu forme comme le capuchon ; il est arrosé par l'Epte, qui le sépare du canton de Chaumont, et il est limité des autres côtés par les communes de Neaufles, Bernouville, Chauvincourt, Noyers et Guerny ; à un kilomètre du chef-lieu, sur les bords de l'Epte, se trouve le haras fameux qui a vu naître Gladiateur, Ventre-Saint-Gris, Fille-de-l'Air et tant d'autres chevaux, la gloire du turf.
C'est également sur le territoire de cette commune que la bande de chauffeurs qui a désolé nos pays, en 1795 et 1796, avait son refuge.
Une ancienne carrière, sise dans le bois du Cornillon, et que les brigands appelaient la Maison Blanche, servait de cachette au butin provenant de leurs vols.
La population, qui était de 626 habitants en 1841, est réduite à 538, soit une réduction de 14,05 pour 100 ; le nombre des maisons, depuis 1846, a diminué de 16 ; mais les toitures se sont améliorées, et il n'y a plus que 19 maisons couvertes en chaume, au lieu de 27.
Dangu est une des communes qui, proportionnellement à la population, renferment le plus de vieillards de 80 ans et au dessus ; il y a une naissance naturelle sur douze légitimes ; le nombre des enfants qui fréquentent les écoles n'est que de 3 supérieur, en 1866, au chiffre de 1836 ; 31 pour 100 des habitants ne savent ni lire ni écrire ; environ 2,5 pour 100 savent lire, et 66,5 pour 100 savent lire et écrire.
La commune de Dangu a un bureau de poste aux lettres, et est chef-lieu de perception ; elle dépend de la recette des contributions indirectes de Gisors, qui est son chef-lieu de canton et son marché le plus rapproché ; elle possède une maison d'école de garçons et une mairie qui sont réunies, un presbytère, 42 hectares de bois et 32 hectares de pâture et prairies.
La maison d'école de filles est fournie gratuitement par M. de Lagrange, et les sœurs qui la dirigent sont largement dotées par lui et ses sœurs, mesdames la duchesse d'Istrie et la comtesse de la Ferronnays.
Les habitants se livrent, partie à l'agriculture, partie à l'industrie ; enfin, Dangu renferme un assez grand nombre de rentiers ; dix femmes et filles seulement se livrent aux travaux industriels de l'aiguille.
La contenance du territoire est de 783 hectares en terres la bourables, prés, herbages, pâtures, bois, friches, cours, sols, jardins, routes, chemins et rivière. M. de Lagrange a défriché une partie des bois de Dangu et les a convertis en terre d'excellente qualité.